Eco-quartiers.fr - Le blog - Mai 2013 - Il faut cultiver son jardin urbain (6/6) : quelle agriculture voulons-nous ?

L’agriculture urbaine n’est pas une idée nouvelle, mais on observe beaucoup d’initiatives depuis ces 5 dernières années, et un engouement de plus en plus fort chez les citadins des grandes métropoles.

Il faut cultiver son jardin urbain (6/6) : quelle agriculture voulons-nous ?

Jardin partagé Lyon
L’agriculture urbaine n’est pas une idée nouvelle, mais on observe beaucoup d’initiatives depuis ces 5 dernières années, et un engouement de plus en plus fort chez les citadins des grandes métropoles. A titre d’exemple l’année 2012 a été déclarée « année de l’agriculture urbaine » par la Mairie de Paris, bien que cela soit passé relativement inaperçu. Mais cette agriculture prend de multiples formes, est gérée par différents types d’acteurs qui n’ont pas forcément le même but. Tout au long des épisodes précédents, nous avons pu identifier de nombreux mouvements, associations et initiatives personnelles n’ayant pas nécessairement de liens entre eux ni de plan d’actions coordonné avec les collectivités. La question même de la nécessité de produire en ville ne fait pas consensus. 

  • De quelle agriculture parle-t-on ?
Nous avons eu, avec l’expérience de Nicolas Bel, un exemple de culture en bacs utilisant un mélange de lombriscomport et de bois. Mais il existe d’autres techniques utilisant des produits bien différents. L’aquaponie, par exemple, la culture de végétaux en « symbiose » avec l'élevage de poissons, est une technique qui utilise les déjections de poissons comme engrais pour faire pousser les plantes. A ne pas confondre avec l’hydroponie, qui désigne la culture de plantes réalisés sur la base d’un substrat neutre (sable, billes d’argile), légèrement irrigué par une solution enrichie en nutriments nécessaire pour la plante. C’est un procédé d’agriculture hors-sol qui utilise beaucoup de pesticides et de produits phytosanitaires et dont la productivité est décuplée. Aux cultures en bacs peuvent être associées les cultures en sac (concept de la bagriculture) qui sont des procédés assez simples à mettre en place, en particuliers sur les toits et les trottoirs. Enfin, il est encore parfois possible de cultiver en ville des légumes en pleine terre mais dans ce cas, quelle garantie peut-on avoir de la propreté et de l’absence de pollution des sols, surtout dans des friches industrielles comme à Détroit ? En outre, l’agriculture peut poser parfois des problèmes de voisinages lorsqu’elle est associée à de l’élevage urbain (de poules, de moutons) ou à de l’apiculture.

  • Local VS bio
L’agriculture urbaine fait la part belle à la consommation de proximité, mais les différentes techniques citées plus haut ne peuvent être utilisées pour produire des légumes biologiques. En effet, pour bénéficier d’un label, il faut que les cultures soient plantées en pleine terre, alors qu’il ne s’agit ici que d’agriculture hors sol. Mais vaut-il mieux manger des légumes bios à forte empreinte carbone, du fait de leur éloignement ?  D’autre part, l’hydroponie suscite beaucoup de scepticisme chez les écologistes du fait des engrais chimiques utilisés, alors même qu’un des objectifs de l’agriculture urbaine est de produire une nourriture plus saine. Cela relance le débat sur les OGM.

  • Le radis des villes et le radis des champs
Il est important, lorsqu’on parle de culture en ville, de ne pas calquer un modèle agro-rural avec ses traditions, ses terroirs et ses techniques sur les méthodes de l’agriculture urbaine. De même, nous ne pouvons véritablement aller vers un retour à la terre car le modèle organisationnel ville/campagne que nous connaissions n’existe plus. L’idée n’est pas d’aller vers une régression des usages mais une adaptation avec les techniques qui se développement. Cela oblige à être créatif et innovant, à composer avec le réemploi des déchets ménagers, qui ouvre un large champ des possibles.

Alors, la ville, pas un endroit pour cultiver ? Au contraire ! Mais différemment. Pour commencer, les cultures de la ville et de la campagne ne sont les mêmes. L’intérêt de l’agriculture urbaine est la production de denrées périssables rapidement : les fruits, les légumes, éventuellement le lait et la viande. Cultiver du blé sur un toit serait effectivement un non sens. L’agriculteur de ville soit réapprendre son métier. D’autant plus que la ville est un laboratoire d’idées nouvelles : c’est là où se trouvent les recherches et les savoirs théorique. Un des bergers urbains de l’association Clinamen aime à raconter  qu’il a eu plus de facilité à apprendre son métier en ville qu’à la campagne, car les agriculteurs auraient du mal à transmettre leurs compétences. Un des aspects de l’agriculture urbaine est qu’elle est, a priori, ouverte à tous. Cela ne va-t-il pas entrainer une dévalorisation du métier d’agriculteur ? Cela peut au contraire créer de nouvelles spécialisations spécifiques au milieu urbain. De plus, de nouvelles catégories professionnelles peuvent intervenir dans ce type d’agriculture, comme les architectes, qui doivent maintenant prendre cet élément en considération dans leurs plans, où  qui inventent une nouveau type de mobilier urbain spécifique, de façon à rentabiliser l’espace.

  • Une vraie réflexion sur l’espace et son affectation
La question de l’espace est effectivement un enjeu majeur pour l’agriculture en général. Les sols arables sont en perdition, souvent pollués par les engrais chimiques, et le bâti ne cesse de progresser sur les terres agricoles. Le cout du foncier est à mettre en opposition à la priorité (notamment politique) : utiliser l’espace pour construire des logements sociaux, ou pour planter des légumes (qui nourriront cette population) ? Il n’y a pas de réponse, mais ce sont là de vraies questions. Certains élus, partisans de l’agriculture avouent préférer la culture à la construction. Reste l’agriculture sur les toits, mais certains voient dans cette « solution miracle » un alibi à l’étalement urbain. D’autant plus que l’utilisation des toits entre en concurrence avec un autre projet tout aussi honorable : l’installation de panneaux photovoltaïques pour la création d’énergies renouvelables. Reste à investir les jardins personnels, comme le préconise la démarche BIMBY (Built in my backyard). En outre, la réglementation concernant l’agriculture en France est assez faible, contrairement au Canada, où le phénomène est plus ancien.

  • Si nous devions conclure...
En définitive, les obstacles sont nombreux et les dispositifs encore trop diffus. Et quand bien même l’agriculture urbaine en France aurait un semblant d’organisation, la demande de fruits et légumes urbains semble assez modérée. Quel public pour l’agriculture urbaine, et pour quels besoins ? Une lubie d’écolo pour contrôler la qualité de sa nourriture ? Un moyen indispensable pour les plus pauvres de subsister en produisant leur propre nourriture ? Un argument électoral des collectivités (l’agriculture dans le piège du greenwashing) ? Un effet de mode passager ? Il ne semble pas y avoir en tout cas de déclic global au niveau des populations citadines, excepté dans les villes touchées de plein fouet par la crise comme Todmorden ou Détroit. Espérons que nous n’en venions pas à de telles extrémités. Une chose est néanmoins à prendre en compte, sans être pour autant alarmiste ou paranoïaque. La population des villes, et de la planète en générale, est en perpétuelle croissance. L’augmentation de la biomasse pour nourrir ces populations est de toute façon indispensable. Dans la réalité immédiate, les personnes en insécurité alimentaire représentent encore une part trop grande de la population. Ainsi, nous sommes tentés de dire, comme les défenseurs farouches de l’agriculture en ville, que tout ce qui sera fait aujourd’hui pour le développement d’une agriculture urbaine sera toujours ça de pris quand arrivera la crise. Mais en dehors des initiatives individuelles de plus en plus nombreuses, le prélude d’un verdissement des villes par des plantes nourricières et plus uniquement d’agrément, doit se faire par les élus. En attendant : cultivons ! De toute façon, ça ne pourra pas nous faire de mal.
  • Moutons de l'association CLINAMENMoutons de l'association CLINAMEN
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