Eco-quartiers.fr - Actualité : Les accorderies débarquent en France

Basées sur le mécanisme structurant les systèmes d'échanges locaux, empruntant des éléments tant au troc qu'aux réseaux sociaux solidaires, les "accorderies" vont...

Les accorderies débarquent en France

[16.06.2011]accorderie

Basées sur le mécanisme structurant les systèmes d'échanges locaux, empruntant des éléments tant au troc qu'aux réseaux sociaux solidaires, les "accorderies" vont bientôt débarquer en France, d'abord dans le dix-neuvième arrondissement de Paris et à Chambéry pour une phase expérimentale, puis à une échelle plus globale. Eco-quartiers.fr s'est intéressé à ce phénomène naissant...

La Régie de Quartier du 19ème arrondissement est sans doute l'une des plus actives dans le domaine de l'animation sociale et solidaire: rien qu'en mai, elle organisait une exposition photos dans le cadre de la Semaine de Lutte contre les Discriminations, ainsi qu'une "Faîtes de la propreté", visant à informer les habitants sur les éco-gestes dans les espaces verts et les jardins. Elle propose de manière régulière aux adhérents de l'association une bricothèque, qui leur permet d'emprunter scies, ponceuses et perceuses gratuitement tout en bénéficiant de conseils bricolage. En plus de ses activités, elle prépare l'ouverture d'une des premières accorderies françaises, qui sera lancée à l'été.

L'accorderie, « système d’échange de services qui regroupe toutes les personnes intéressées à échanger entre elles différents services tels que du dépannage informatique, de la traduction de texte, du transport, des formations, de l’aide pour une déclaration d’impôts, etc. », est un concept qu'Alain Philippe, Président de la Fondation MACIF, a importé du Canada, avec pour objectifs de renforcer la mixité sociale, de créer du lien à l'échelle du quartier, d'être un outil pour sortir les populations fragiles de la pauvreté... et de faire participer tous les habitants d'un territoire donné selon leurs compétences, et non selon leurs revenus ! En ce sens, ce projet s'inscrit pleinement dans les financements accordées par la Fondation au titre de l'innovation sociale. Car après tout, comme le dit si bien Alain Philippe « la création de richesse n'est pas que monétaire ! »

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En attendant l'ouverture annoncée à l'été prochain, Eco-quartiers.fr a posé quelques questions à Madeleine Provencher, directrice du réseau Accorderie au Canada, histoire d'en savoir un peu plus...

1.    D’où vient le mot « Accorderie » pour caractériser le système localisé d’entraide sociale que vous avez mis en place ?

À l’origine, L’Accorderie devait se nommer La Corderie. Ce nom faisait référence à l’image de la corde qui supportait bien la philosophie du groupe, soit l’idée de créer un réseau de solidarité, donc de tisser des liens, de relier les gens les uns aux autres.

Le nom « L’Accorderie » s’est donc présenté naturellement comme un contenant significatif renforçant l'idée de s’accorder, de solidariser, de coopérer.
Les membres de L'Accorderie sont alors devenus des « AccordeurEs ».

2.    Pouvez-vous nous expliquer l’histoire de L’Accorderie ? Quelle a été la première structure et pourquoi a-t-elle été créée ?

L'Accorderie est le fruit d'une démarche entreprise à la fin des années 90 par la Caisse d'économie solidaire Desjardins et la Fondation St-Roch de Québec. Ces deux organismes fondateurs souhaitaient élaborer et mettre en place des services solidaires afin de répondre aux besoins des personnes en situation de pauvreté ou d'exclusion sociale et favoriser l'organisation de nouvelles formes de solidarité.

À l’automne 2001, le projet IDÉS (Initiative de Développement Solidaire) est lancé pour combiner trois systèmes : l’échange de services, le crédit solidaire et l’achat regroupé. La Caisse d’économie et la Fondation St-Roch s’engagent alors à long-terme et ce, autant au niveau financier qu’au niveau logistique pour développer le projet.

L’Accorderie de Québec est fondée en 2002 avec le démarrage du crédit solidaire et du regroupement d’achat. Un gros travail s’amorce alors pour définir les principes du système d’échange de services et développer les outils de gestion nécessaires à son fonctionnement.

La formule connaît dès le départ un franc succès. À l’été 2004, l’Accorderie de Québec compte 100 AccordeurEs. Ce nombre double dès le printemps 2005 et le cap des 400 membres est dépassé à l’été 2007. D’autres communautés s’intéressent alors au concept, ce qui mène L’Accorderie de Québec à créer un système de franchise sociale destiné à dupliquer L’Accorderie de façon souple, structurée et évolutive.

En signant la Charte des Accorderies, une nouvelle Accorderie s’engage à respecter et promouvoir les principes et façons de faire de L’Accorderie :
•    une heure donnée = une heure reçue
•    l’échange repose sur le temps et non l’argent,
•    équilibre dans les échanges (on donne et on reçoit des services)
•    c’est de l’échange et non du bénévolat,
•    prise en charge de l’organisme par les AccordeurEs.

Aujourd’hui, le Réseau Accorderie canadien compte 5 Accorderies (Montréal-Nord, Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, Trois-Rivières, Shawinigan et Québec), 1871 membres AccordeurEs et rend possible des milliers d’échanges de services par année.

3.    Quels sont les objectifs d’une Accorderie ?

La mission d’une Accorderie est la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, par l’échange de services entre individus. Une Accorderie est dédiée à l’amélioration des conditions de vie de tous ses membres, dans une optique de coopération. L’échange de services donne accès aux talents et connaissances des autres, et valorise ceux que l’on possède.  La mixité sociale est encouragée afin d’enrichir la diversité des services échangés, ce qui est un facteur de succès du système.

L’Accorderie permet à chacun de se mettre en action dans un environnement où tout le monde est égal, puisque l’heure de la couturière vaut exactement la même chose que l’heure du professeur d’informatique. Dans une Accorderie, on ne se demande pas mutuellement « Que fais-tu dans la vie ? », mais bien plutôt « Quel service offres-tu ? ». Les solidarités s’y développent donc naturellement, peu importe l’âge, la classe sociale, la nationalité, le sexe ou autre.
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Vivement l'ouverture !

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