Eco-quartiers.fr - Le blog - Novembre 2013 - Une mise en oeuvre irréaliste de la Troisième Révolution Industrielle ? 2/2

Les moyens proposés pour la mise en route de la « Troisième Révolution Industrielle » tiennent le plus souvent du bon sens, mais leur application telle que préconisée prête parfois le flan à la critique. Notamment celle, acerbe, de Bertrand Cassoret. Ce dernier est maître de...

Une mise en oeuvre irréaliste de la Troisième Révolution Industrielle ? 2/2

La troisième révolution industrielle: doux rêve ou réelle possibilité ?
Les moyens proposés pour la mise en route de la « Troisième Révolution Industrielle » tiennent le plus souvent du bon sens, mais leur application telle que préconisée prête parfois le flan à la critique. Notamment celle, acerbe, de Bertrand Cassoret. Ce dernier est maître de conférences à l’Université d’Artois, et  ingénieur et docteur en énergie électrique. Il reprend point par point les faiblesses d’un master plan pourtant alléchant :

-    Le passage aux énergies renouvelables : Michel Cassoret ne croit visiblement pas à l’énergie renouvelable produite chez le particulier. Concernant l’éolien, « la plupart des particuliers qui ont tenté de mettre une éolienne sur leur maison s’en mordent les doigts : le vent ne souffle pas suffisamment à hauteur des maisons et il est très perturbé en ville à cause des immeubles. » Il oublie que les éoliennes sur mâts en fond de jardin sont en revanche efficaces.
Quand au solaire : « Concernant le photovoltaïque, outre le fait qu’il faille plusieurs années pour que la production d’un panneau « rembourse » l’énergie nécessaire à sa fabrication, il faudrait environ 1 000 km² de panneaux pour produire 20% de la consommation actuelle d’électricité française, c’est-à-dire équiper 50 millions de toits de 20 m² de panneaux (on installe actuellement généralement 10 m² ; 1 m² de panneau produit environ 114 kilowatts-heure (kWh) par an). »
Bertrand Cassoret pointe également du doigt l’inconstance de cette production d’énergie, tributaire de la météo, qu’il faut donc stocker. C’est d’ailleurs sa deuxième critique.

-    Jeremy Rifkin préconise le stockage par l’hydrogène, mais, selon Bertrand Cassoret : « Le stockage sans danger de l’hydrogène n’est pas aisé, les deux conversions entraînent une perte d’au moins 75% de l’énergie (ce qui nécessite de multiplier par quatre les moyens de production !) et  la pile à combustible ne pourrait être fabriquée en grande série car elle nécessite des métaux rares comme le platine. »

-    Concernant la multiplication des points de production, il précise : «  On doit transporter aussi l’électricité produite de manière décentralisée (c’est justement le foisonnement géographique qui permet d’atténuer un peu les problèmes d’intermittence éoliens) et il  faut plus de matière et d’énergie pour mettre en place et maintenir 100 petites installations plutôt qu’une seule 100 fois plus puissante. »

-    Bertrand Cassoret cite ensuite Jean Marc Jancovici, selon qui : « électrifier tous les véhicules à pétrole de France nécessiterait une production supplémentaire d’électricité d’environ 50% (200 TWh), soit l’équivalent de la production de dix-huit EPR supplémentaires, ou de 50 millions ( !) d’éoliennes individuelles de 2 kW. » Il en conclut : « Même si l’on n’a pas l’ambition de faire parcourir avec de l’électricité tous les kilomètres parcourus avec du pétrole, il est clair que l’objectif de sortie du nucléaire (qui nécessiterait de réduire d’au moins 50% la consommation d’électricité) est incompatible avec l’électrification des véhicules. »

La conclusion de Bertrand Cassoret est diamétralement opposée à celle du masterplan. Là où l’équipe de Jeremy Rifkin termine par :  « C’est la performance environnementale elle-même qui fait gagner en efficacité, en productivité et donc en compétitivité » ; Bertrand Cassoret est convaincu que : « nous sommes condamnés à vivre avec moins d’énergie, c’est-à-dire à vivre moins bien car c’est l’abondance d’énergie fossile qui a permis l’énorme évolution des pays riches, passés en 200 ans d’une société agricole au début du XIXe avec une espérance de vie de 30 ans, à une société confortable d’emplois tertiaires. »
Avec un optimisme rayonnant, il conclut : « Moins d’énergie, c’est moins de transports, moins de machines et moins de chaleur, c’est donc inévitablement plus de travail, plus de pauvreté, de tâches ingrates, moins de confort, de loisirs, de soins médicaux, de congés, de nourriture, de logements, d’emplois intéressants, de culture, d’éducation, de développement... Il faut s’y faire. »

Si effectivement le masterplan ignore des points élémentaires de la réduction de la consommation d’énergie - il n’y a par exemple pas un mot sur l’amélioration des performances énergétiques des bâtiments, sur l’éducation du public à consommer différemment, où sur le coût environnemental de la production des composants électroniques des futurs dispositifs connectés  - il propose des solutions innovantes, qui ont le mérité d’être ambitieuses, et qui sont loin d’être dénuées de fondements. Du moins pour la plupart.

Entre l’optimisme débordant de cette « Troisième révolution industrielle », et le cynisme parfois teinté de mauvaise fois de Bertrand Cassoret, on est tenté de s’extraire du débat. Et on est aussi tenté de remettre entre les mains de chacun les outils du développement durable, de rappeler les préceptes maintes et maintes fois répétés  de l’économie d’énergie :
"Ta maison tu isoleras, l’énergie tu économiseras, tes déplacements tu raisonneras, en te brossant les dents le robinet tu fermeras, etc.…." En matière de développement durable, certains prônent la technologie, d’autres le retour aux pratiques vernaculaires.

Finalement, l’essentiel à l’heure actuelle, ce n’est peut être pas tant le moyen du développement durable que sa recherche et son envie. Et ce masterplan, si critiquable soit-il, déborde de cette inventivité destinée à mettre en place à relativement court terme une société « durable ». Au vu des moyens mis en œuvre, on ne doute plus non plus de « l’envie » du territoire du Nord Pas de Calais de passer à une nouvelle ère énergétique. Un passage qui permettrait au territoire, en cas de réussite, un magnifique coup de poker en matière de marketing territorial. L’effort de prospective mérite de toutes façon d’être salué bien bas.


Texte Complet de Bertrand Cassoret: Rue 89 :
http://www.rue89.com/2013/10/16/jeremy-rifkin-plait-beaucoup-maitrise-mal-dont-parle-246641

Critique:

La voix du Nord :
http://www.lavoixdunord.fr/economie/troisieme-revolution-industrielle-le-prophete-ia0b0n1659493
Urbanews :
http://www.urbanews.fr/2013/10/17/36357-troisieme-revolution-industrielle-villes-nest-pas-demain/#.UnIxLCcXcYU

Savoir plus:
http://www.lemoniteur.fr/la-nouvelle-ere-energetique-du-nord-pas-de-calais-signee-jeremy-rifkin
1 commentaire

Commentaires

  1. 1

    Je réagis à cet article car je pense que même s’il est critiquable de donner 350000 euros, pour un projet de quelques pages, il faut relativiser cette somme, car ramenée à chaque habitant du Nord-Pas-De-Calais, cela représente 8c€. Une somme partagée par une équipe qui a travaillé pendant des mois qui a permis d’organiser un débat constructif, de donner un espoir aux habitants de ce territoire, de mettre en symbiose des personnes de bord politique différent.
    Ce rapport ne donne pas de solutions miracles, d’ailleurs il montre que les forces vives existent déjà, il faut juste les connecter, vous avez par exemple les pôles de compétitivité MAUD (sur les matériaux plus durables), TEAM2 (sur les éco-technologies), I-TRANS (sur le transport durable) et d’autres, mais également le pôle d’excellence régional ENERGIE 2020, dont l’une des thématique qui me semble la plus pertinente est l’écologie industrielle et territoriale. Il y a aussi le CD2E de Loos-en-Gohelle auquel j’ai assisté à leur 10ième anniversaire, et ayant, dans les premières années participé dans le club solaire et le club économie d’énergie.

    Pour la Troisième Révolution Industrielle, je donne mon point de vue modéré sur le canal suivant :

    http://www.agoravox.fr/actualites/environnement/article/autre-lecture-de-la-troisieme-142413

    Je ne critique pas le contenu mais apporte des éléments supplémentaires.

    L’essentielle de la baisse de la consommation énergétique ne sera pas faite par les particuliers, mais bien par la réorganisation de la société. Jean-Marc Jancovici, l’un des meilleurs expert en énergie, admet lors de son entrevue parlementaire, ne pas donner de solutions, il laisse les parlementaires s’en charger. Il donne ses solutions générales, la réorganisation de la société, certainement avec une densification des villes moyennes, mais pas par le développement des grandes villes (grand paris par exemple qui induit un étalement urbain). Il vante également des modèles d’entraide comme les AMAP.

    Parler des ampoules basse-consommation, est anecdotique. Un foyer consomme (hors chauffage) 3500 kWh d’électricité par an, mais en réalité les français travaillent dans les usines, les bureaux, ont des loisirs, consomment en grande surface, prennent le train, aiment les décorations de noël, ont des autoroutes éclairées, participent aux concerts, matchs de football, ……., ils consomment donc par foyer à peu près 19000 kWh d’électricité, soit 5 fois plus.

    C’est bel et bien en dehors de son logement que le potentiel est énorme.

    Dans son foyer, on paye ses factures, on fait donc attention. Mais en dehors, c’est l’ensemble de la collectivité qui paye indirectement, donc le levier d’économie d’énergie électrique est énorme. Il faudra bien développer des systèmes intelligents qui limitent ces consommations.

    Le rapport de Rifkin n’est donc pas en contradiction avec la baisse de la consommation possible.

    La société devra travailler en Symbiose, les industries également, même si l’acier est gourmand en énergie, de même les cimenteries, les papeteries. Ces industries devront se connecter avec d’autres. C’est ce qu’on appelle la Symbiose Industrielle. L’économie peut continuer de se développer à condition qu’elle intègre l’économie circulaire. Rifkin est un économiste, il est prospectiviste, certains disent « futurologue », d’autres disent ‘gourou’, moi je dis « visionnaire », car il a réussi à fédérer les acteurs industriels et sociaux de notre région. Même si, en tant que scientifique, l’aspect matières premières me préoccupe plus particulièrement, il nous interpelle et nous oblige à travailler en symbiose sur notre territoire.

    Certains ont déjà commencé à le faire, mais là, on le fera de manière plus systématique, ce qui est pour moi une bonne chose.
    Seul on ne peut rien faire, on a besoin des utopistes comme des réalistes.

    Vincent F.A. Molcrette, co-responsable (avec Vincent R.B. Autier) de la Licence Génie Energétique – Energies Renouvelables, Faculté des Sciences Appliquées, Béthune.

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